Témoignages

Alors, le vent :

Chers Annie et Daniel,
Je vous écris pour vous dire que pour écrire quelque chose, il faut avoir la crampe de l'écrivain, (enfin c'est ce que KARL VALENTIN développe dans un de ces célèbres sketches intitulé "La lettre" !) et je ne sais pas vous, mais moi, dès que j'ai une crampe, ça me bloque... En fait, tout cela est de ma faute ! Je me suis vantée en disant que j'allais écrire un reportage sur le Premier Festival de Fay sur Lignon - je voulais écrire quelque chose de passionné, de sensitif, d'intelligent pour défendre les idées dans le combat et le combat pour des idées - et cette idée (encore !) m'a hantée à un tel point que... tiens, je ne trouve même plus mes mots... Le vent les a emportés.

Ah oui ! le vent ... "Que sont mes idées devenues, que j'avais de si près tenues..." Donc, me suis-je dit à moi-même, n'essaie pas de te prendre pour Cavanna, tu n'en as même pas les moustaches pour te consoler. Tente de faire du Gigi avec tes mots et tes fautes de syntaxe, il en sortira bien un petit quelque chose du genre "impressions à chaud " comme ça, pour rire ... Que Daniel et Annie puissent mettre ça dans leur petit tiroir à souvenirs du PREMIER FESTIVAL DE FAY SUR LIGNON à côté des lettres administratives de demande d'aide, des petits mots de soutien d'habitants ou d'artistes, des réponses désagréables de certains pouvoirs "politico-tricolères" (merci Prévert), et des engagements des quelques uns qui pensent que la culture est une nécessité au même titre que le boire et le manger...

Alors, le vent : c'est le premier phénomène, non ! deuxième ! non ! troisième ! - vous étiez le premier, toi, DANIEL en coup de vent (encore !) et en particulier ANNIE que nous avons rencontrée. Nous, pauvres non - autochtones, affamés que nous étions, après quelques secondes - lumières de route épuisante à travers un Massif Central plus volcanique et majestueux que jamais - nous sommes vus offrir le couvert et le gîte dans une effervescence où la gentillesse doublée du trac de la "PREMIERE" nous a tout de suite mis dans l'atmosphère !

Et quel gîte et quel couvert ! Le Petit Prince de Saint Exupéry ne se serait pas tant posé de questions sur l'apprivoisement s'il avait connu Fay sur Lignon ; il aurait dit au Renard " Retrouve-moi au Premier Festival de Fay sur Lignon, on boit un coup de Gaillac, on mange un sublime sauté d'agneau préparé par Françoise et tu m'expliques le truc de l'apprivoisement.

Il aurait rencontré, comme nous, le fils du Garde Champêtre, dans le costume et sur les pas de son père, qui s'essayait tambour battant à "aviser la population " qu'un "évènement exceptionnel allait remuer tout Fay sur Lignon ! Qu'on se le dise" ! Peut-être bien même qu'il ne serait pas reparti... que dans quelque temps, une barbe poivre et sel lui aurait poussé et qu'il aurait inventé quelque chose de nouveau pour apprivoiser les gens ? Un premier Festival rempli de poules, de roses, et d'allumeur de réverbères pour faire plaisir à son copain Renard par exemple ? Mais je m'égare ... enfin presque.

Donc, après avoir été apprivoisés, nous lisons le programme des futures réjouissances. Et déception ! Nous avions raté la visite des caves et dégustation d'un des meilleurs hydromels de France à la Ferme des Abeilles à 12h30 ! La faute en incombant à la beauté de la route des volcans, et à notre noctambulisme d'après-spectacle, la veille au soir, nous ne pouvions trop rien dire.

Mais, ne vous inquiétez pas, nous nous sommes rattrapés après ! Et l'accueil à la ferme des Abeilles fut à la hauteur des compliments que nous en avaient fait les heureux élus !! Merci à Vincent Faure de nous avoir fait partager sa passion pour les abeilles à travers la dégustation d'un miel chaleureux !

Pour nous consoler et nous faire pardonner de ce manquement à la plus élémentaire règle de l'accueil que vous aviez si bien orchestrée, nous décidâmes d'explorer ce futur lieu de prédilection des artistes en quête de festival humaniste.

Car les festivals, il y en a foule et étant en tournée depuis la mi-juin, LA CIE U.GOMINA en avait croisé quelques-uns . Ils prennent vite l'allure des villes nouvelles où les "barres" d'immeubles font place à des "barres" de spectacles dans lesquelles chaque "lapin" ignore son voisin ; où l'espoir d'une rencontre avec les organisateurs est un domaine de grande improbabilité, car quantité oblige, la qualité de vie et d'accueil devient vestige archéologique ; où le public consomme en dix minutes des tranches de spectacles en dégustation gratuite comme dans les hypermarchés et que prendre le temps d'échanger des impressions, dame, il ne sait plus ce que ca veut dire, tellement sa boulimie " spectaclifique" le bouscule, bref, nous n'avions pas encore fait Aurillac mais les pressentiments, hein ! Heureusement, les discussions avec Daniel nous laissaient présager autre chose ... Rien de tout ça au Premier Festival de Fay sur Lignon !

Donc, disais-je, nous gravîmes la petite rue qui allait du gîte à la Grande Place pour aller faire connaissance avec les petits cafés du coin que nous avions vus fort nombreux en arrivant. Et beaucoup étaient fermés. Ils laissaient transparaître quand même derrière leurs volets clos, le souvenir d'une magnificence bruyante et affairée du Temps de la plus Grande Foire aux Bestiaux de la région, ainsi comme la serveuse du Restaurant nous l'a décrite plus tard... (Au passage, les truites du Lignon : excellentes !)

Nous avions le temps de rencontrer les gens, de prendre la température, comme on dit, avant le premier spectacle du Festival, "Faut qu'ça saigne" à 17h. Je dis "nous", mais UGO nous avait lâché et avait accompagné l'équipe de "Faut qu'ca saigne" pour aller prendre la température qui l'intéressait en premier lieu, à savoir celle de la salle de spectacle " La Ferme de Mathias" et de ceux qui l'investissaient à ce moment-là, à savoir l'équipe technique et l'équipe du festival chargé de l'accueil.

Nous voilà donc sur la grande place où nous avons pris un petit café. Le troisième personnage dont j'ai parlé plus haut allait entrer en scène ! Imaginez-vous que pour nous, une place immense comme celle-ci dans un si petit village, nous a questionnée. Vide, la place... et encore plus impressionnante. À peu près, en son centre, une croix...Jusque-là, rien que de très normal. La croix (ou le calvaire) faisant partie intégrante de tous les villages de France au même titre que le Café de la Poste ou l'Hôtel de la Mairie, ou l'inverse. Mais la croix était arrimée au sol par d'énormes câbles en acier..." 11 y a des voleurs de croix dans le coin ?" Et là, avant que nous nous perdions en conjectures plus tordues les unes que les autres, le patron du Bar nous a vite dénoncé le coupable de sécurité: le Vent ! Et de nous raconter que le vent, ici, était un habitant avec qui il fallait compter, que ses colères étaient dignes de certaines tornades et autres cyclones célèbres, d'un ton qui voulait dire qu'on aurait bien de la chance s'il ne se réveillait pas pendant le festival !

Et nous d'imaginer, en esclavagistes que nous sommes, face à l'arrimage de la croix, comment nous allions retenir l'envol des cartons de l'Orgue de Barbarie si une tempête se déclarait sur Fay sur Lignon, le dimanche 8 Août à 10 heures ! Que la musique s'envole, c'est une chose, mais les cartons, pas question.

La promenade était fort belle, le jour fort beau et aucune nouvelle de petit chat mort n'étant venu troubler la bonne humeur de cette fin de journée, il n'y avait aucune raison de croire à une poussée de folie du vent dans les branches de Fay sur Lignon !

Les soirées de spectacles, je n'en parlerai pas, les journalistes officiels, les vrais ( !) ayant fait leur métier. Je ne me ferai que rapporteur de quelques réflexions entendues durant leurs déroulements de spectateurs qui avaient vraisemblablement amené leurs ami(e)s et qui ponctuaient leurs applaudissements : "Hein, j'vous l'avais dit que c'était fort ! Et attendez, c'est pas fini!"

Nous sommes donc partis nous coucher sur nos seize oreilles, pour être en forme le lendemain matin ! Non, quatorze. L'un des U. gomina avait sa tourterelle et ils ont préféré nicher dans une tente ...

Et bien sûr, vous m'attendez... Ou plutôt, vous l'attendez... Quand je vous dis que c'est un personnage du Festival ... 11 s'en est donné à coeur joie sur nos amoureux ! Une tempête comme l'avait annoncé notre bistrotier: du professionnel ! De la puissance dans le souffle ! De la présence dans les graves ! De la révolte dans l'esprit ! Ce fameux vent du plateau avait bien voulu faire une concession, ce dont nous ne le remercierons jamais assez, mais quand même, fallait pas pousser ! 11 était chez lui, non mais ! Et le premier Festival, il fallait bien qu'il montre qu'il était au courant...(non, je ne ferai pas de mauvais jeu de mot, promis !) Bref, nos amoureux ont dû lutter contre une tente qu'il avait décidée de transformer en barricade. Manière de nous faire sentir, que lui aussi, il était du combat !

Le lendemain, c'était à notre tour de monter sur la barricade et je n'aurai pas assez de mots pour raconter les bouffées d'émotion, de chaleur, de rires, de plaisir, de petits bonheurs que nous avons reçus du public venu de partout rejoindre cette fameuse grande place pour écouter les chansons de la rue, les chanter et les danser avec nous... Et de les voir revenir l'après-midi, parce que vous nous aviez dit, que : "Bien sur, c'est possible, si vous avez envie cette volonté de convivialité que vous nous aviez exprimée avant le Festival, nous l'avons reçue, à ce moment-là, encore plus fort... Et là, je n'aurai pas l'outrecuidance de me mesurer au témoignage de Sébastien Fanger : ses photos expriment mieux que n'importe quelle phrase, le plaisir et l'intensité d'émotions que nous avons vécu, en tant qu'artistes.

Le Festival de Fay sur Lignon n'est pas un Festival de rue, uniquement, bien sûr, mais nous étions les seuls à jouer dans la rue, et si vous vous posiez des questions sur la place dans le Festival, de ces interventions, nous souhaitons y avoir donné, à notre façon, une part de réponse.

Nous espérons avoir contribuer à défendre 1' histoire que vous voulez construire : "L'art à la rencontre d'un pays, qui malgré son apparence austère est un lieu d'accueil, qu'il a su accepter l'étranger, tisser des liens entre des solitudes personnelles et l'immense solitude du plateau".

C'est dans ce sens-là que nous sommes venus, et ... nous souhaitons encore y répondre, et mieux ! Bien sûr, c'est un premier Festival et on fera mieux, comme nous a dit Annie, mais un premier Festival, c'est une naissance.

Pour l'analyse politique des évènements, je me tourne vers mon complice et compagnon, Ugo, mais comme tout comédien, il préfère vous le dire en voix directe, et ça fera l'occasion d'une petite bouffe ! Donc, l'interprétation étant ma petite lumière à moi, pardonnez-moi les zones d'ombre de ce petit texte impromptu !

Et toute l'équipe d'U.GOMINA se joint à moi pour vous dire que si l'accouchement n'a pas été simple, le bébé qui est sorti, nous on l'a beaucoup aimé. Nous ne dirons pas comme Petit Gibus : "Si j'aurais su, j'aurais pas v'nu ! " mais " Nous on est v'nu, ça nous a plu !"

Nous vous envoyons à notre tour un petit mot qui fait un bruit que nous aimons beaucoup entendre : BRAVO !

Gigi - Cie U.Gomina